Page:Schopenhauer - Aphorismes sur la sagesse dans la vie, 1880, trad. Cantacuzène.djvu/173

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Decidunt turres : feriuntque summos
    Fulgura montes.
___________(Horace, l. II, od. 10.)

(Celui qui aime la médiocrité, plus précieuse que l’or, ne cherche pas le repos sous le misérable toit d’une chaumière, et, sobre en ses désirs, fuit les palais que l’on envie. Le chêne altier est plus souvent battu par l’orage; les hautes tours s’écroulent avec plus de fracas, et c’est la cime des monts que va frapper la foudre.)

Quiconque, s’étant pénétré des enseignements de ma philosophie, sait que toute notre existence est une chose qui devrait plutôt ne pas être et que la suprême sagesse consiste à la nier et à la repousser, celui-là ne fondera de grandes espérances sur aucune chose ni sur aucune situation, ne poursuivra avec emportement rien au monde et n’élèvera de grandes plaintes au sujet d’aucun mécompte, mais il reconnaîtra la vérité de ce que dit Platon (Rép., X, 604) : « ουτε τι των ανθρωπινων αξιον μεγαλης σπουδης » (Rien des choses humaines n’est digne d’un grand empressement), et cette autre vérité du poète persan :

As-tu perdu l’empire du monde ?
Ne t’en afflige point ; ce n’est rien.
As-tu conquis l’empire du monde ?
Ne t’en : réjouis pas ; ce n’est rien.
Douleurs et félicités, tout passe,
Passe à côté du monde, ce n’est rien.
_________________(Anwari Soheili.)

(Voir l’épigraphe du Gulistan de Sardi, traduit en allemand par Graf.)

Ce qui augmente particulièrement la difficulté de se pénétrer de vues aussi sages, c’est cette hypocrisie du monde dont j’ai parlé plus haut, et rien ne serait utile