Page:Schopenhauer - Aphorismes sur la sagesse dans la vie, 1880, trad. Cantacuzène.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gnées du plan de la nature. Il est donc très utile pour l’homme de fréquenter l’institution naturelle d’éducation d’autant plus assidûment qu’il est plus jeune.

« Nihil est ab omni parte beatum, » dit Horace, et « Point de lotus sans tige, » dit un proverbe indien ; de même, la solitude, à côté de tant d’avantages, a aussi ses légers inconvénients et ses petites incommodités, mais qui sont minimes en regard de ceux de la société, à tel point que l’homme qui a une valeur propre trouvera toujours plus facile de se passer des autres que d’entretenir des relations avec eux. Parmi ces inconvénients, il en est un dont on ne se rend pas aussi facilement compte que des autres ; c’est le suivant : de même qu’à force de garder constamment la chambre notre corps devient tellement sensible à toute impression extérieure que le moindre petit air frais l’affecte maladivement, de même notre humeur devient tellement sensible par la solitude et l’isolement prolongés, que nous nous sentons inquiété, affligé ou blessé par les événements les plus insignifiants, par un mot, par une simple mine même, tandis que celui qui est constamment dans le tumulte ne fait pas seulement attention à ces bagatelles.

Il peut se trouver tel homme qui, notamment dans sa jeunesse, et quelque souvent que sa juste aversion de ses semblables l’ait fait déjà fuir dans la solitude, ne saurait à la longue en supporter le vide ; je lui conseille de s’habituer à emporter avec soi, dans la société, une partie de sa solitude ; qu’il apprenne à être seul jusqu’à un certain point même dans le monde, par conséquent à