Page:Schopenhauer - Aphorismes sur la sagesse dans la vie, 1880, trad. Cantacuzène.djvu/314

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vant soi ; mais le jeune a la vie ; et il s’agit maintenant de savoir laquelle des deux perspectives offre le plus d’inconvénients, et si, à tout prendre, la vie n’est pas préférable à avoir derrière que devant soi ; l’Ecclésiaste n’a-t-il pas déjà dit : « Le jour de la mort est meilleur que le jour de la naissance » (7, 2) ? En tout cas, demander à vivre longtemps est un souhait téméraire. Car « quien larga vida vive mucho mal vide » (qui vit longtemps voit beaucoup de mal), dit un proverbe espagnol.

Ce n’est pas, comme le prétendait l’astrologie, les existences individuelles, mais bien la marche de la vie de l’homme en général, qui se trouve inscrite dans les planètes ; en ce sens que, dans leur ordre, elles correspondent chacune à un âge, et que la vie est gouvernée à tour de rôle par chacune d’entre elles. — Mercure régit la dixième année. Comme cette planète, l’homme se meut avec rapidité et facilité dans une orbite très restreinte ; la moindre vétille est pour lui une cause de perturbation ; mais il apprend beaucoup et aisément, sous la direction du dieu de la ruse et de l’éloquence. — Avec la vingtième année commence le règne de Vénus : l’amour et les femmes le possèdent entièrement. — Dans la trentième année, c’est Mars qui domine : à cet âge, l’homme est violent, fort, audacieux, belliqueux et fier. — A quarante ans, ce sont les quatre petites planètes qui gouvernent : le champ de sa vie augmente : il est frugi, c’est-à-dire qu’il se consacre à l’utile, de par la vertu de Cérès ; il a son foyer domestique, de par Vesta ; il a appris ce qu’il a besoin de savoir, par l’influence de Pallas, et, pareille à Junon,