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II. — La beauté.

La beauté est analogue en partie à la santé. Cette qualité subjective, bien que ne contribuant qu’indirectement au bonheur par l’impression qu’elle produit sur les autres, a néanmoins une grande importance, même pour le sexe masculin. La beauté est une lettre ouverte de recommandation, qui nous gagne les cœurs à l’avance ; c’est à elle surtout que s’appliquent ces vers d’Homère :

Ουτοι αποβλητ’εστι Θεων εριχυδεα δωρχ,
’Οσσχ χεν αυτοι δωσι, εχων δ’ουχ αν τις ελοιτο.

________________(Il. III, 65.)

(Il ne faut pas dédaigner les dons glorieux des immortels, que seuls ils peuvent donner et que personne ne peut accepter ou refuser à son gré).


III. — La douleur et l’ennui. — L’intelligence.

Un simple coup d’œil nous fait découvrir deux ennemis du bonheur humain : ce sont la douleur et l’ennui. En outre, nous pouvons observer que, dans la mesure où nous réussissons à nous éloigner de l’un, nous nous rapprochons de l’autre, et réciproquement ; de façon que notre vie représente en réalité une oscillation plus ou moins forte entre les deux. Cela provient du double antagonisme dans lequel chacun des deux se trouve envers l’autre, un antagonisme extérieur ou objectif et un antagonisme intérieur ou subjectif. En effet, extérieurement, le besoin et la privation engendrent la douleur ; en revanche, l’aise et l’abondance font naître l’ennui. C’est pourquoi nous voyons la classe inférieure du peuple luttant incessamment contre le