Page:Schopenhauer - Aphorismes sur la sagesse dans la vie, 1880, trad. Cantacuzène.djvu/96

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perdre dans l’opinion des autres, bien qu’il se sache innocent, et alors même que la faute dévoilée n’est qu’une infraction relative, c’est-à-dire ne concerne qu’une obligation bénévolement assumée. D’autre part, rien ne fortifie davantage en lui le courage de vivre que la certitude acquise ou renouvelée de la bonne opinion des hommes, car elle lui assure la protection et le secours des forces réunies de l’ensemble qui constitue un rempart infiniment plus puissant contre les maux de la vie que ses seules forces.

Des relations diverses, dans lesquelles un homme peut se trouver avec d’autres individus et qui mettent ceux-ci dans le cas de lui accorder de la confiance, par conséquent d’avoir, comme on dit, bonne opinion de lui, naissent plusieurs espèces d’honneur. Les principales de ces relations sont le mien et le tien, les devoirs auxquels on s’oblige, enfin le rapport sexuel, auxquelles correspondent l’honneur bourgeois, l’honneur de la fonction et l’honneur sexuel, dont chacun présente encore des sous-genres.

L’honneur bourgeois[1] possède la sphère la plus étendue : il consiste dans la présupposition que nous respecterons absolument les droits de chacun et que, par conséquent, nous n’emploierons jamais, à notre avantage, des moyens injustes ou illicites. Il est la condition de la participation à tout commerce pacifique avec les hommes. Il suffit, pour le perdre, d’une seule action qui lui soit fortement et manifestement contraire ; comme conséquence,

  1. Schopenhauer va justifier cette qualification quelques lignes plus bas. (Note du trad.)