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DE LA PREMIÈRE CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

de l’objet renversé, car c’est ainsi que nous la recevons ; de plus, nous la percevrions aussi comme quelque chose situé dans l’intérieur de l’œil, puisque nous nous arrêterions à la sensation. Mais en réalité l’entendement intervient aussitôt avec sa loi de causalité ; il rapporte l’effet ressenti à sa cause, et, possédant la donnée, fournie par la sensation, sur la direction dans laquelle le rayon lumineux s’est introduit, il poursuit cette direction en sens inverse le long des deux lignes jusqu’à la cause : le croisement s’effectue donc cette fois-ci à rebours, ce qui fait que la cause se présente maintenant redressée dehors, comme objet dans l’espace, c’est-à-dire dans sa position au moment où les rayons en partaient et non dans celle au moment où ils pénétraient (voy. fig. 1). — On peut encore constater la pure intellectualité de l’opération, sans plus faire appel à aucune autre explication, et en particulier à aucune explication physiologique, par cette observation que si l’on passe sa tête entre les jambes, ou si l’on s’étend sur le dos, sur un terrain incliné, la tête vers le bas, l’on verra néanmoins les objets non pas renversés, mais parfaitement droits, bien que la portion de la rétine que rencontre ordinairement le bord inférieur des objets soit rencontrée maintenant par le bord supérieur, et malgré que tout soit renversé, excepté l’entendement.

La seconde opération que fait l’entendement pour transformer la sensation en perception, c’est de faire percevoir simple ce que l’on a senti double ; en effet, chaque œil reçoit isolément l’impression de l’objet, et même dans une direction légèrement différente ; et pourtant l’objet se