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APRIORITÉ DE LA NOTION DE CAUSALITÉ

optique sur un seul point de cet objet en convergeant symétriquement, se dirigeront vers lui chacun sous un angle différent ; en d’autres mots, quand je loucherai. Car alors ce ne sont plus les rayons émanés d’un même point de l’objet qui rencontreront dans les deux rétines ces places symétriquement correspondantes, que mon entendement a appris à connaître par une expérience suivie ; mais ils frapperont des endroits tout différents, qui, pour une position symétrique des yeux, ne peuvent être affectés que par des corps distincts l’un de l’autre : aussi, dans le cas donné, verrai-je deux objets, précisément par la raison que la perception se fait par l’entendement et dans l’entendement. — Le même phénomène peut se présenter sans même qu’il soit besoin de loucher ; cela arrivera quand, deux objets étant placés devant moi à des distances inégales, je fixe le plus éloigné, c’est-à-dire quand c’est sur celui-ci que je fais tomber le sommet de l’angle optique : car dans ce cas les rayons émanés de l’objet plus rapproché tomberont sur des places qui ne correspondent pas symétriquement dans les deux rétines ; mon entendement les attribuera donc à deux objets différents, et, en conséquence, je verrai double l’objet le plus rapproché (voir fig. 2). Si c’est au contraire sur ce dernier, en fixant mes yeux sur lui, que je ferme l’angle optique, c’est l’objet le plus éloigné qui, pour la même raison, m’apparaîtra double. On n’a, pour s’en assurer, qu’à placer un crayon à deux pieds devant ses yeux et à regarder alternativement tantôt le crayon, tantôt quelque autre objet situé au delà.

Mais il y a mieux encore : on peut faire l’expérience inverse,