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APRIORITÉ DE LA NOTION DE CAUSALITÉ

n’est pas comprendre et ne fournit par soi aucune compréhension des choses. Le calcul ne s’occupe purement que de notions abstraites de grandeurs, dont il détermine les rapports mutuels. Mais on n’acquiert pas par là la moindre compréhension d’un phénomène physique quelconque. Car pour cela il faut connaître par la perception intuitive les conditions de l’espace en vertu desquelles les causes agissent. Les calculs n’ont de valeur que pour la pratique, non pour la théorie. On pourrait même dire : Où commence le calcul, la compréhension cesse. Car le cerveau occupé de chiffres, pendant qu’il calcule, reste complètement étranger à l’enchaînement causal dans la marche physique des phénomènes ; il n’est rempli que de notions abstraites de chiffres. Et le résultat ne donne jamais rien au delà du combien, jamais le quoi. « L’expérience et le calcul » (sic), cette formule favorite des physiciens français, ne suffisent donc nullement[1]). — Si ce sont les excitations que l’entendement poursuit, il créera la physiologie végétale et animale, la thérapeutique et la toxicologie. — Enfin, si ce sont les motifs qu’il a choisis, alors ou bien il s’en servira en théorie pure, comme d’un fil conducteur pour produire des ouvrages de morale, de jurisprudence, d’histoire, de politique, de poésie épique et dramatique ; ou bien il les utilisera pratiquement, soit pour dresser simplement des animaux, soit pour mener les hommes à sa baguette, car il aura très habilement

  1. L'éditeur, dans sa préface de la 2e édition des Œuvres complètes de Schopenhauer, fait observer spécialement que toute cette longue parenthèse se trouve ajoutée par Schopenhauer lui-même dans le manuscrit qui a servie à la 3e édition de la Quadruple racine. (Le trad.)