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DE LA PREMIÈRE CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

la sensation, est quelque chose d’entièrement subjectif ; c’est une opération qui s’effectue dans l’intérieur de l’organisme, puisqu’elle se passe sous la peau. Mais ces impressions des organes des sens, même en admettant qu’elles sont produites par des causes extérieures, ne peuvent avoir aucune ressemblance avec la nature de ces causes ; — le sucre n’a aucune ressemblance avec la douceur, ni la rose avec le rouge ; Locke a déjà démontré cette vérité tout au long et fondamentalement. Mais même cette circonstance qu’elles doivent toujours avoir une cause extérieure s’appuie sur une loi que l’on démontre exister en nous, dans notre cerveau ; c’est là donc encore quelque chose de tout aussi subjectif que la sensation même. Oui, le temps, cette condition première pour la possibilité de tout changement, donc de ce changement aussi au sujet duquel seulement l’application du principe de causalité peut commencer à fonctionner, — non moins que l’espace, qui seul permet de transporter à l’extérieur les causes qui alors s’y représentent comme objets, sont des formes subjectives de l’intellect, ainsi que Kant l’a prouvé sûrement. En conséquence nous voyons que tous les éléments de la perception empirique se trouvent en nous, et qu’ils ne contiennent rien qui puisse fournir une indication certaine sur l’existence de quelque objet en dehors de nous, sur une chose en soi. — Mais il y a plus : par la notion de matière, nous concevons ce qui reste des corps quand on les dépouille de leur forme et de leurs qualités spécifiques, par conséquent ce qui dans tous les corps doit être égal, identique. Or ces formes et ces qualités dont nous les dépouillons, ne sont rien autre que le