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EXPLICATION DE CETTE CLASSE D’OBJETS

c’est-à-dire déduites des précédentes. On a nommé ces représentations des notions abstraites ou concepts, parce que chacune comprend[1] en elle ou plutôt sous elle d’innombrables individus dont elle est la conception collective. On peut aussi les définir des représentations extraites de représentations. Pour les former, notre faculté d’abstraction décompose les représentations complètes, c’est-à-dire sensibles, dont nous avons traité au chapitre précédent, en leurs parties composantes, afin de considérer celles-ci isolément par la pensée, comme les différentes propriétés ou comme les différents rapports des choses. Mais par cette opération les représentations perdent forcément leur perceptibilité sensible, de même que l’eau, décomposée en ses éléments, perd sa fluidité et sa visibilité. Car toute propriété ainsi isolée (abstraite) peut bien être pensée séparément, mais non perçue séparément. Pour créer une notion abstraite en général, il faut abandonner un grand nombre des éléments qui composent une perception donnée, afin de pouvoir penser séparément les éléments restants ; la notion consiste donc à embrasser par la pensée moins que par la perception. Si, considérant plusieurs objets réels, on les dépouille de tout ce qu’ils ont de différent en ne gardant que ce qu’ils ont de commun, on obtiendra le genre de l’espèce donnée. Par suite, la notion d’un genre est là notion de chacune des espèces qui y sont comprises, déduction faite de tout ce qui ne convient pas à toutes ces espèces. Or toute notion abstraite

  1. Begriff, begreifen ; concipere. (Le trad.)