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EXPLICATION DE CETTE CLASSE D’OBJETS

c’est-à-dire énumérant tout ce que sépare l’espace ou tout ce que sépare le temps ; car, ainsi que mes lecteurs le savent, temps et espace sont le principe d’individuation. Ce n’est que parce que les animaux sont limités aux représentations sensibles, parce qu’ils sont incapables d’abstraction et par conséquent de notions, qu’ils n’ont pas le langage, même alors qu’ils peuvent proférer des mots ; mais ils comprennent les noms propres. J’ai démontré par ma théorie du ridicule, dans Le monde comme volonté et représentation, vol. I, §.13, et vol. II, ch. viii, que c’est l’absence des mêmes facultés qui exclut chez eux le rire.

Si l’on analyse un discours quelque peu étendu et suivi d’un homme entièrement inculte, on y trouvera une étonnante richesse de formes, de constructions, de tournures, de distinctions et de finesses logiques de toute sorte, tout cela correctement exprimé moyennant les formes de la grammaire avec toutes leurs flexions et leurs constructions, avec emploi fréquent du sermo obliquus, des différents modes du verbe, etc. ; le tout sera tellement conforme à toutes les règles qu’on ne pourra, à sa grande surprise, ne pas y reconnaître une connaissance étendue et bien enchaînée. Or l’acquisition de cette science s’est faite sur la base de la compréhension du monde sensible ; c’est l’œuvre fondamentale de la raison d’extraire la substance essentielle de ce monde pour la déposer dans les notions abstraites ; et cette œuvre, elle ne peut l’accomplir qu’à l’aide du langage. C’est donc par l’étude du langage que l’on acquiert la connaissance du mécanisme de la raison, c’est-à-dire la substance de la logique. Évidemment,