Page:Schopenhauer - De la quadruple racine, 1882, trad. Cantacuzène.djvu/201

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
184
LA SECONDE CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

très singulière combinaison d’idées, car il avait besoin d’une ancre de salut pour la morale. Mais les professeurs de philosophie n’ont jamais examiné le fond de l’affaire, tellement que, selon toute apparence, personne n’avait avant moi reconnu la vérité sur cette question. Ils se sont empressés au contraire d’accréditer l’impératif catégorique comme une réalité solidement assise, et, dans leur purisme, ils lui ont attribué le nom de loi morale. (Sittengesetz) qui me rappelle toujours Mamzelle Larègle[1] dans Bürger ; ils en ont fait quelque chose d’aussi massif que les tables de pierre des lois de Moïse, qu’il est appelé à remplacer de tout point auprès d’eux.

Or, dans mon Mémoire sur le fondement de la morale, j’ai disséqué cette raison pratique et son impératif, et j’ai prouvé qu’il n’y avait là dedans ni vie ni vérité ; je l’ai démontré si clairement et si sûrement que je voudrais bien rencontrer celui qui pourrait me réfuter par des arguments fondés et qui pourrait s’aviser honorablement de ressusciter l’impératif catégorique. Mais les professeurs de philosophie ne se troublent pas pour une vétille. Ils peuvent aussi peu se passer de leur « loi morale de la raison pratique » qui leur sert de Deus ex machina, très commode pour fonder leur morale, que du libre arbitre : car ce sont là les deux pièces les plus essentielles de leur philosophie de bonne femme. Je les ai anéanties toutes les deux, mais cela n’y change absolument rien : pour eux, elles continuent d’exister, — comme parfois, pour des

  1. Titre d'une poésie de Bürger. (Le trad.)