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RAISON SUFFISANTE DU DEVENIR

qu’un objet soit la cause d’un autre objet, d’abord parce que les objets ne renferment pas que la forme et la qualité, mais aussi la matière, et que celle-ci ne se crée ni se détruit ; ensuite parce que la loi de causalité ne se rapporte exclusivement qu’à des changements, c’est-à-dire à l’apparition et à la cessation des états dans le temps, où elle règle le rapport en vertu duquel l’état précédent s’appelle la cause, le suivant l’effet et leur liaison nécessaire la conséquence.

Je renvoie le lecteur qui veut approfondir cette question aux explications que j’ai données dans Le monde comme volonté et représentation, vol. 2, chap. 4. Car il est de la plus haute importance d’avoir des notions parfaitement nettes et bien fixées, sur la vraie et propre signification de la loi de causalité, ainsi que sur la portée de sa valeur ; il faut que l’on reconnaisse clairement qu’elle ne se rapporte uniquement et exclusivement qu’à des changements d’états matériels et à rien autre absolument ; qu’elle ne doit donc pas être invoquée partout où ce n’est pas de cela qu’il est question. En effet, elle est le régulateur des changements dans le temps survenant dans les objets de l’expérience externe ; or ceux-ci sont tous matériels. Tout changement ne peut se manifester que si quelque autre changement, déterminé par une règle, l’a précédé ; mais alors il se produit, amené nécessairement par ce précédent changement : cette nécessité, c’est l’enchaînement causal.

On voit par ce que nous venons de dire que la loi de la causalité est bien simple ; néanmoins, dans tous les traités de philosophie, depuis les temps les plus anciens jusqu’aux