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Page:Schopenhauer - Essai sur les apparitions et opuscules divers, 1912.djvu/14

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essai sur les apparitions

la métaphysique (Träume eines Geistersehers, erläutert durch Träume der Metaphysik), dans lequel il admet entre les esprits une loi d’universelle dépendance, analogue à la loi de l’attraction assignée par Newton aux substances matérielles. « Dans les mobiles les plus intimes, dit-il, nous nous trouvons dépendre de la règle de la volonté universelle, et il en résulte, dans le monde de toutes les natures pensantes, une unité morale et une constitution mathématique suivant des lois purement spirituelles. » Il va même jusqu’à affirmer que « le sentiment moral est le sentiment de cette subordination de la volonté particulière à la volonté universelle », la traduction par la conscience individuelle de l’effort commun des esprits vers l’unité morale. Cette affirmation fait ainsi entrevoir, pour l’action morale, la possibilité de se réaliser pleinement dès cette vie dans un univers spirituel, ou nouménal, comme l’aurait nommé plus tard le philosophe : car cette rapide lueur est en quelque sorte la première esquisse de la distinction du « phénomène » et du « noumène », que la Critique de la raison pure ne tardera pas à fonder. Kant, dont l’opuscule a surtout en vue l’illuminisme du fameux Swedenborg, est loin, du reste, d’accorder grande créance aux élucubrations du théosophe suédois. Il déclare au contraire que les visions de celui-ci ne sont que des images projetées au dehors par un cerveau malade, et il conclut ironiquement qu’un bon purgatif en aurait aisément raison.

Il pose toutefois ici des principes qui peuvent aboutir logiquement à l’acceptation de l’occultisme. « J’avoue, dit-il, que j’incline fort à affirmer dans le monde l’existence de natures immatérielles, et à placer mon âme même dans la classe de ces êtres. » « En conséquence, il faudrait regarder l’âme humaine comme reliée, dès la vie présente, à deux mondes à la fois ; mais, de ces deux mondes, dès qu’elle est parvenue à l’unité personnelle, grâce à un corps, elle ne perçoit clairement que le monde matériel. » « Il n’y a donc qu’un seul sujet, qui forme un membre du monde visible et invisible à la fois, mais ce n’est pas la même personne, parce que les représentations de l’un de ces mondes, par suite de sa nature différente, ne sont aucunement des idées accompagnatrices de celles de l’autre monde, et, en conséquence, ce que je me