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v. morale et religion
V. MORALE ET RELIGION
La « justice éternelle ».

C’est une rigoureuse justice qui veut que tout être subisse l’existence telle qu’elle est en général et telle aussi qu’il la doit à son espèce et à son individualité particulière ; qui veut qu’il vive précisément la vie qui est la sienne, dans le milieu et dans les conditions où il se trouve placé, dans un monde fait comme il est fait, c’est-à-dire gouverné par le hasard et l’erreur, soumis à la loi du temps, périssable, théâtre de perpétuelles souffrances. Rien de tout ce qui advient à un être humain, ou risque seulement de lui advenir, ne saurait jamais lui advenir qu’à bon droit. Car le Vouloir est son Vouloir, et le monde n’est rien d’autre que l’image fidèle du Vouloir. De l’existence de ce monde et de sa nature le monde lui-même a seul à porter la responsabilité ; qui d’autre, d’ailleurs, aurait pu ou voulu l’assumer à sa place ? — Veut-on savoir ce que valent les hommes, pris dans leur ensemble, au point de vue moral ? Qu’on considère en quoi se résume, tout compte fait, la destinée humaine : elle n’est que misère, besoin, souffrance, avec, pour conclusion, la mort. Ainsi le veut une éter-