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v. morale et religion

n’en est pas moins le même que celui du brahmanisme et du bouddhisme ; tous trois nous montrent l’homme foncièrement coupable de par sa seule existence. Seulement le christianisme, à la différence des deux autres religions plus anciennes, ne procède pas ici directement et franchement, c’est-à-dire qu’au lieu de placer la faute purement et simplement dans le fait même de l’existence, il l’attribue à un acte du premier couple humain, ce qu’il ne pouvait faire sans recourir à la fiction d’un « libre arbitre d’indifférence » ; tout cela uniquement à cause du dogme fondamental du judaïsme — théisme et création ex nihilo — sur lequel il s’agissait de greffer la doctrine du péché. On pressentait bien la vérité, à savoir que c’était précisément la naissance de l’homme qui constituait l’acte de son libre Vouloir, qu’elle n’était ainsi elle-même rien d’autre que la Chute, et que le péché originel, dont tous les autres péchés sont la conséquence, apparaissait déjà avec l’existence et ne faisait qu’un avec l’essence de l’être humain. Mais le dogme juif ne permettait pas qu’on présentât les choses ainsi. D’où la solution imaginée par saint Augustin : l’homme, selon lui, aurait été innocent, en même temps que pourvu d’une volonté libre, mais cela seulement dans la personne d’Adam