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vi. fragments divers

avec ardeur certains projets dont nous serons plus tard obligés de reconnaître qu’ils allaient à l’encontre de notre bien véritable. En attendant, nous travaillons avec zèle à les réaliser ; mais, ce faisant, nous nous heurtons à une conjuration des forces de la destinée, qui met tout en œuvre pour déjouer nos plans et qui finit ainsi par nous rejeter, contre notre gré, dans la voie qui est réellement la nôtre. Quand ils éprouvent une pareille résistance, qui a toutes les apparences d’une opposition consciente et voulue, beaucoup de gens ont coutume de dire : « je vois que cela ne devait pas être » ; d’autres parlent de mauvais présage ; d’autres encore du doigt de Dieu ; tous s’accordent à penser que là où le destin se montre si opiniâtre à contrecarrer nos projets nous faisons mieux de les abandonner. Si, en effet, ces projets ne répondent pas à ce qui est à notre insu notre véritable destinée, ils sont en tous cas irréalisables, et en nous obstinant à en poursuivre l’accomplissement nous ne ferions que nous attirer de la part du sort des coups toujours plus durs, jusqu’à ce que nous rentrions dans la bonne voie ; ou bien, à supposer que nous réussissions tout de même à forcer la résistance