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LE FONDEMENT DE LA MORALE.

cependant on tient à une définition rigoureuse, on n’a qu’à excepter expressément ces actions, à l’aide de ce caractère, qui leur est essentiel, d’avoir pour but la souffrance d’autrui. — Un autre caractère tout intime, dès lors moins évident, des actes revêtus d’une valeur morale, c’est de laisser après eux en nous un contentement qu’on nomme l’approbation de la conscience ; tandis qu’aux actes contraires d’injustice et d’insensibilité, et plus encore à ceux de méchanceté et de cruauté, répond un jugement tout contraire, prononcé en nous et sur nous. Enfin un caractère secondaire et accidentel, c’est encore que les actions du premier genre provoquent l’approbation et le respect des spectateurs désintéressés ; les autres, les sentiments opposés.

Ces actions moralement bonnes étant ainsi définies, et nous y étant accordées pour réelles, maintenant il nous faut les traiter comme un phénomène à nous proposé, et qu’il s’agit d’expliquer ; donc il faut chercher ce qui peut pousser les hommes à des actes de la sorte ; si nous venons à bout de cette recherche, nous aurons nécessairement mis au jour les véritables motifs moraux, et comme c’est sur ces motifs que doit s’appuyer tout éthique, notre problème sera résolu.

§ 16. — Détermination et démonstration du seul motif moral véritable.

Tout ce qui précède n’était qu’une préparation nécessaire : maintenant j’arrive à démontrer le vrai motif qui se trouve au fond de toute action moralement bonne : ce motif, on va le voir, sera tel, si sérieux, si indubitablement réel, qu’il laissera bien loin derrière lui toutes les subtilités, les curiosités, les sophismes, les affirmations en l’air, les bulles de savon a priori, d’où les systèmes connus jusqu’ici avaient voulu faire naître les actions morales, et surgir les fondements de l’éthique. Ce motif moral, je ne veux pas le proposer, l’affirmer arbitrairement, je veux prouver qu’il est le seul possible ; or cette démonstration exige un