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DE LA FORME IMPÉRATIVE DE LA MORALE DE KANT.

drai pour guide, dans ma présente critique, l’ouvrage que j’ai nommé d’abord, le Fondement de la métaphysique des mœurs ; c’est à cet écrit que se rapporteront toutes les citations sans mention spéciale autre que le chiffre de la page : que le lecteur veuille bien s’en souvenir. Quant aux deux autres œuvres, je ne les considérerai que comme accessoires et secondaires. Pour bien entendre cette critique, dont le but est de renverser de fond en comble la morale de Kant, il sera tout à fait nécessaire au lecteur de prendre ce livre du Fondement, puisqu’il nous occupera directement (il ne comprend que 128-XIV pages, et dans Rosenkranz 100 pages en tout), et de le relire d’abord avec attention, afin de l’avoir bien présent à la mémoire dans son ensemble. Je cite d’après la 3e édition, de 1792 ; le chiffre précédé d’un R indique la page de l’édition des œuvres complètes par Rosenkranz.

§ 4. — De la forme impérative de la morale de Kant.

Le πρῶτον ψεῦδος[1] de Kant réside dans l’idée qu’il se fait de l’Éthique même, et dont voici l’expression la plus claire (p. 62 ; R. 54) : « Dans une philosophie pratique, il ne s’agit pas de donner les raisons de ce qui arrive, mais les lois de ce qui devrait arriver, cela n’arrivât-il jamais. » — Voilà une pétition de principe bien caractérisée. Qui vous dit qu’il y ait des lois auxquelles nous devions soumettre notre conduite ? Qui vous dit que cela doit arriver, qui n’arrive jamais ? — Où prenez-vous le droit de poser dès l’abord cette affirmation, puis là-dessus, de nous imposer, avec le ton impératif d’un législateur, une éthique, en la déclarant la seule possible ? Quant à moi, tout au rebours de Kant, je dis que le moraliste est comme le philosophe en général, qu’il doit se contenter d’expliquer et d’éclaircir les données de l’expérience, de prendre ce qui existe ou qui arrive dans la

  1. L’erreur première. (TR.)