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LE FONDEMENT DE LA MORALE.

ratif est introduit en forme, c’est dans l’ouvrage que nous étudions spécialement ici, les Fondements de la Métaphysique des Mœurs ; et alors c’est par la voie du pur a priori : il est déduit de certains concepts. Au contraire, dans l’écrit déjà cité, si important pour la philosophie critique, de Reinhold, à la 5e livraison, sous le titre Formula concordiæ du criticisme, on trouve cette proposition : « Nous distinguons la conscience morale d’avec l’expérience ; bien que la première ait avec celle-ci, dans notre sens intime, un lien, car elle est un fait primitif que le savoir ne peut dépasser ; et sous ce nom de conscience, nous entendons le sens immédiat du devoir, de la nécessité ou nous sommes de prendre dans nos actions libres, pour inspiratrice et pour guide, la volonté légale. » — Sans doute, nous aurions là « un principe excellent, oui bien ! et n’importe ce qu’il renferme ». (Schiller). — Mais, pour parler sérieusement, quelle est cette effrontée pétition de principe à laquelle est ici accolée la loi morale de Kant ? Si Reinhold avait raison, certes l’éthique aurait une base d’une solidité incomparable, et il ne serait pas nécessaire de proposer des prix pour encourager les gens à la chercher ; seulement, ce qui serait bien étonnant, c’est qu’on eût tant tardé à découvrir un pareil fait de conscience, alors que depuis des milliers d’années on cherche avec ardeur, avec soin, un fondement où établir la morale. Kant, il est vrai, a lui-même donné lieu à cette méprise : comment ? c’est ce que je ferai voir ci-après.

Malgré tout, on pourrait s’étonner de l’empire incontesté que cette erreur essentielle a pris sur l’esprit des Kantiens : mais, occupés qu’ils étaient à faire d’innombrables livres sur la philosophie de Kant, ils n’ont pas trouvé un instant pour remarquer la transformation que la Critique de la Raison pure a subie dans la seconde édition, et qui en a fait un ouvrage incohérent, plein de contradictions. C’est le fait qui a été mis en lumière pour la première fois, et analysé fort exactement, à mon avis, par Rosenkranz dans la préface au second volume des œuvres complètes de Kant. Qu’on y songe : plus d’un savant, avec ses inces-