Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 1, 1912.djvu/132

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qui appartient déjà à son phénomène, sous ses nombreuses formes : par exemple, il faut savoir quand elle est accompagnée de connaissance, et par conséquent quand elle est nécessairement déterminée par des motifs ; cette détermination, comme nous le verrons plus loin, n’appartient déjà plus à l’essence de la volonté, mais à son phénomène, l’homme ou l’animal. Aussi, quand je dirai : La force qui fait tomber la pierre est, dans son essence, en soi et en dehors de toute représentation, la volonté, il ne faudra pas mettre dans ma proposition cette idée ridicule que la pierre, dans sa chute, obéit à un motif conscient, parce que c’est ainsi que notre volonté nous apparaît à nous[1]. — Maintenant nous allons expliquer au long et plus clairement démontrer et développer dans son ensemble ce que nous avons dit jusqu’ici en courant et à un point de vue très général[2].


§ 20.


En tant qu’essence en soi de notre propre corps, c’est-à-dire en tant qu’elle est cette chose même qui est notre corps, lorsqu’il n’est pas objet de l’intuition, et par conséquent représentation, la volonté, comme nous l’avons montré, se manifeste dans les mouvements volontaires du corps, en tant qu’ils ne sont pas autre chose que les actes de la volonté visibles, qu’ils coïncident immédiatement et absolument, qu’ils ne font qu’un avec elle, et qu’ils n’en diffèrent que par la forme de la connaissance, sous laquelle ils se sont manifestés comme représentation.

Ces actes de volonté ont toujours un fondement, en dehors d’eux-mêmes, dans leurs motifs. Cependant ils ne déterminent jamais que ce que je veux, à tel moment, à tel endroit, dans telle circonstance ; et non pas mon vouloir en général, ou le contenu de mon vouloir en général, c’est-à-dire la règle qui caractérise tout mon vouloir. Par conséquent, il est impossible de tirer des motifs une

  1. Ainsi, nous ne sommes pas de l’avis de Bacon de Vérulam qui croit. (De augment. scient., liv. IV in fine) que tous les mouvements mécaniques et physiques des corps n’ont lieu qu’après fine perception préalable. Il y a cependant quelque vérité dans cette proposition erronée. Il en est de même pour Képler, quand, dans sa dissertation sur la planète Mars, il suppose que les planètes doivent être douées de connaissance pour rencontrer si justement leur chemin elliptique, et pour régler si bien leur vitesse, que les aires de leur surface de révolution soient toujours proportionnelles au temps employé à les parcourir.
  2. Cf. chapitre XIX des Suppléments.