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le monde comme volonté et comme représentation

ces philosophes de leur erreur commune, est la suivante : comme la connaissance consciente s’évanouit manifestement à la mort, ils sont obligés ou de considérer la mort comme l’anéantissement de l’homme, et tout notre être se révolte contre cette idée ; ou d’admettre une persistance de la connaissance consciente, dogme philosophique qui exige une foi à toute épreuve, car chacun a pu se convaincre par expérience que sa connaissance est dans une dépendance absolue du cerveau, et il est aussi facile de croire à une connaissance sans cerveau qu’à une digestion sans estomac. Ma philosophie permet seule de sortir de ce dilemme, en plaçant l’essence de l’homme non pas dans la conscience, mais dans la volonté. Celle-ci, en effet, n’est pas essentiellement liée à la conscience, mais est à cette dernière, c’est-à-dire à la connaissance, ce que la substance est à l’accident, l’objet éclairé à la lumière, la corde à la table d’harmonie, et elle entre dans la conscience, du dedans, comme le monde physique y pénètre du dehors. Dès lors nous pouvons concevoir cette indestructibilité du noyau essentiel de nous-mêmes, de notre être véritable, bien que la mort anéantisse manifestement notre intellect, bien que cet intellect n’ait pas existé avant la naissance. Car l’intellect est aussi transitoire que le cerveau dont il est le produit ou plutôt l’activité. Le cerveau, comme l’organisme tout entier, n’est que le produit, le phénomène secondaire de la volonté qui seule est éternelle.