Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 3, 1909.djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
220
le monde comme volonté et comme représentation

la réflexion, l’intention, le choix mûrement médité ont une part importante : l’intelligence, l’habileté technique et la routine doivent ici combler les lacunes laissées par la conception géniale et l’inspiration, et mille accessoires doivent relier entre elles comme par un ciment les seules parties vraiment éclatantes. Aussi les productions de ce genre, à l’exception seulement des chefs-d’œuvre les plus parfaits des plus grands maîtres, tels que Hamlet, Faust, l’opéra de Don Juan, contiennent-elles toujours quelque partie insipide et ennuyeuse qui en gâte quelque peu l’agrément. Nous en avons pour preuve la Messiade, la Jérusalem délivrée, même le Paradis Perdu et l’Enéide ; Horace n’hésite pas déjà à dire : Quandoque dormitat bonus Homerus. C’est là une conséquence de la limitation générale des forces humaines.

Les arts utiles sont nés du besoin ; les beaux-arts, du superflu. Les premiers ont pour mère l’intelligence ; les seconds sont engendrés par le génie, qui est lui-même une sorte de superflu, car il est l’excès de la faculté de connaissance sur la proportion qu’en réclame le service de la volonté.