Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 3, 1909.djvu/401

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échappé à des souffrances si vives et si nombreuses. C’est ce qui s’exprime dans ces beaux vers que nous a conservés Plutarque :

Τον φυντα θρηνειν, εις οσ'ερχεται κακα
Τον δ'αυ θανοντα και πονων πεπαυμενον
Χαιροντας ευφημουντας εκπεμπειν δομων.


[Lugere genitum, tanta qui intrarit mala ;
At morte si quis finisset miserias,
Hunc laude amicos atque lætitia exsequi.]

C’est non à une parenté historique, mais à une identité morale sur ce point qu’il faut attribuer l’habitude des Mexicains de souhaiter au nouveau-né la bienvenue en ces termes : « Mon enfant, tu es né pour pâtir ; ainsi donc pâtis, souffre et tais-toi. » Et Swift obéissait au même sentiment quand il avait coutume, dès sa jeunesse (à en croire sa biographie par Walter Scott), de célébrer le jour de sa naissance comme un moment non pas de joie, mais d’affliction, et de lire à chaque anniversaire le passage de la Bible dans lequel Job déplore et maudit le jour où on a dit dans la maison de son père : il est né un fils.

Chacun connaît cet endroit de l’apologie de Socrate, qu’il serait trop long de transcrire, où Platon fait dire au plus sage des mortels que la mort, nous enlèverait-elle même pour toujours la conscience, serait encore un merveilleux avantage, car un sommeil profond et sans rêves est préférable à chaque jour même de la vie la plus fortunée.

Une maxime d’Héraclite était ainsi conçue :

Τω ουν βιω ονομα μεν βιος, εργον δε θανατος.

[Vitæ nomen quidem est vita, opus autem mors.]
_________(Etymologicum magnum, voce βιος ; et encore Eustath. ad Iliad., I, p. 31.)

Les beaux vers de Théognis sont célèbres :

Αρχην μεν μη φυναι επιχθονιοισιν αριστον,
Μηδ' εισιδειν αυγας οξεος ηελιοθ
  Φυντα δ'οπως ωκιστα πυλας Αιδαο περησαι,
  Και κεισθαι πολλην γην επαμησαμενον.


[Optima sors homini natum non esse, nec unquam
  Adspexisse diem, flammiferumque jubar.
Altera jam genitum demitti protinus Orco
  Et pressum multa mergerecorpus humo.]