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du primat de la volonté dans notre conscience

il arrive déjà à l’intuition et à l’appréhension des objets extérieurs, processus que j’ai plus particulièrement décrit dans ma dissertation Sur la vision et les couleurs, p. 10 de la 2° (et de la 3°) édition. Cette première démarche, la plus importante de toutes, est suivie bien plus lentement du développement de la raison qui aboutit au langage et par là à la pensée : cette dernière évolution ne se produit généralement que dans le cours de la troisième année. Toutefois la première enfance est irrévocablement condamnée à la sottise et à l’imbécillité, et cela pour deux raisons. En premier lieu, il manque à son cerveau l’achèvement physique, dans le sens du volume aussi bien que de la conformation, achèvement qui ne sera réalisé qu’au cours de la septième année. Ensuite une activité énergique exigeant l’antagonisme du système génital, elle ne peut commencer qu’avec la puberté. Cette dernière son tour confère à l’intellect la simple possibilité de se développer psychiquement ; quant au développement lui-même, il ne s’acquiert qu’à force d’exercice, d’expérience et de redressements. Quand l’esprit s’est débarrassé des sottises de l’enfance, il se laisse prendre au piège d’innombrables préjugés, d’erreurs et de chimères qui sont parfois d’une absurdité éclatante. Il s’y cramponne obstinément, jusqu’à ce que l’expérience les lui enlève peu à peu ; quelques-unes aussi de ces erreurs s’évanouissent sans même qu’il s’en aperçoive. Mais ce travail de redressement exige de nombreuses années ; aussi, le jeune homme a-t-il beau être proclamé majeur à partir de la vingtième année, la véritable maturité ne se produit que vers quarante ans. Mais tandis que ce développement psychique, qui a besoin de s’appuyer sur le dehors, se poursuit et s’accentue, l’énergie intime et physique du cerveau commence à décliner. Cette énergie atteint son point culminant dans les environs de la trentième année, et cela parce qu’elle dépend de l’affluence du sang, de l’action des pulsations sur le cerveau, de la prépondérance du système artériel sur le système veineux, de la fraîcheur et de la délicatesse des fibres cérébrales, ainsi que de l’énergie du système génital. Elle subit une légère décroissance après la trente-cinquième année, décroissance qui s’accentue avec la prépondérance de plus en plus grandissante du système veineux sur le système artériel, avec le durcissement et la raideur des fibres, et qui serait la plus sensible sans la réaction du développement psychique, qui se parfait de plus en plus par l’exercice, l’expérience, l’accroissement des connaissances et la facilité acquise de s’en servir, antagonisme qui heureusement pour nous dure jusqu’à l’extrême vieillesse, car alors le cerveau est comme un instrument qu’on aurait usé à force d’en jouer. Toutefois, pour être lente, cette diminution de l’énergie primitive du cerveau, énergie qui repose entièrement sur des conditions organiques, n’en