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MÉMOIRES SUR LES SCIENCES OCCULTES

des scènes d’un drame qui se suivent, parce que ainsi le veut le poète. Que maintenant ces 2 sortes de cohésions existent concurremment et que le même fait, anneau de deux chaînes tout à fait diverses, s’adapte cependant exactement aux deux, d’où il suit que, chaque fois, le destin de l’un convient au destin de l’autre et que chacun est, en même temps que le héros de son propre drame, le figurant du drame d’autrui ; c’est là à la vérité une chose qui dépasse notre force de compréhension et qui ne peut être conçue comme possible qu’à la condition d’admettre l’harmonie préétablie la plus étonnante. Mais ne serait-ce pas d’autre part impuissance et pusillanimité de tenir pour impossible que les vies humaines, les vies de tous les hommes ensemble, puissent réaliser, entre elles, ce concentus et cette harmonie que le compositeur sait faire régner entre tant de voix, en apparence discordantes entre elles, qui composent sa symphonie ? Et même la crainte que nous inspire cette pensée démesurée s’évanouira un peu, si nous nous rappelons que le sujet du grand rêve de la vie est, en un certain sens, un seul et même sujet, la volonté de vivre, et que toute multiplicité des phénomènes est conditionnée par le temps et l’espace. C’est un grand rêve que