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ESSAI SUR L’APPARITION DES ESPRITS

blier, l’encrier, et je le versai sur la lettre. L’encre coula de mon bureau sur le plancher. La servante, venue à mon coup de sonnette, prit un seau d’eau et se mit à laver le plancher pour enlever les taches. Tout en faisant cela elle me dit : « J’ai rêvé cette nuit que j’enlèverai ici en frottant des taches d’encre sur le plancher. » « Ce n’est pas vrai, » lui dis-je. « C’est vrai, reprit-elle ; et j’ai raconté cela à mon réveil à l’autre servante qui couche avec moi. » — Alors vient par hasard cette autre servante, âgée de dix-sept ans peut-être, pour appeler celle qui lavait le plancher. Je m’avance vers elle et je lui demande : « Qu’a-t-elle rêvé cette nuit ? » — Réponse : « Je ne sais pas. » — Moi de nouveau : « Cependant elle te l’a raconté à son réveil. » — La jeune fille alors : « Ah ! oui : elle avait rêvé qu’elle enlèverait ici une tache d’encre sur le plancher. » — Cette histoire, qui, j’en garantis l’authenticité parfaite, met hors de doute la réalité des rêves théorématiques, n’est pas moins remarquable par ce fait que ce qu’on rêvait ainsi d’avance était l’effet d’un acte qu’on peut qualifier d’involontaire, puisqu’il se produisit tout à fait contre ma volonté, résultat d’une très insignifiante méprise de ma main. Et cependant cet acte était tellement néces-