Page:Schopenhauer - Pensées et Fragments, 1900, trad. Bourdeau.djvu/142

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Rousseau l’a dit : « Les femmes en général n’aiment aucun art, ne se connaissent à aucun et n’ont aucun génie[1]. » Ceux qui ne s’arrêtent pas aux apparences ont pu le remarquer déjà. Il suffit d’observer par exemple ce qui occupe et attire leur attention dans un concert, à l’opéra ou à la comédie, de remarquer le sans façon avec lequel, aux plus beaux endroits des plus grands chefs-d’œuvre, elles continuent leur caquetage. S’il est vrai que les Grecs n’aient pas admis les femmes au spectacle, ils ont eu bien raison ; dans leurs théâtres l’on pouvait du moins entendre quelque chose. De notre temps, il serait bon d’ajouter au mulier taceat in ecclesia, un taceat mulier in theatro, ou bien de substituer un précepte à l’autre, et de suspendre ce dernier en gros caractères sur le rideau de la scène. — Mais que peut on attendre de mieux de la part des femmes, si l’on réfléchit que dans le monde entier, ce sexe n’a pu produire un seul esprit véritablement grand, ni une œuvre complète et originale dans les beaux-arts, ni en quoi que ce soit un seul ouvrage d’une valeur durable. Cela est saisissant dans la peinture ; elles sont pourtant aussi capables que nous d’en saisir le côté technique et elles cultivent assidûment cet art, sans pouvoir se faire gloire d’un seul chef-d’œuvre, parce qu’il leur manque justement cette objectivité de l’esprit qui est surtout nécessaire dans la peinture ; elles ne peuvent sortir d’elles-mêmes. Aussi les femmes ordinaires ne sont même pas capables d’en sentir les beautés, car natura non facit saltus. Huarte, dans son ouvrage célèbre

  1. Lettre à d’Alembert, note XX.