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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/200

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est un desengaño, une désillusion. Il est suffisamment clair que les choses ont été arrangées ainsi.

Si nous nous détournons de la contemplation du monde dans son ensemble et surtout de la rapide succession des générations humaines et de leur éphémère vie apparente, pour observer en détail la vie humaine comme la comédie la représente à peu près, l’impression qu’elle nous fait est comparable à la vue, à travers le microscope, d’une goutte d’eau pullulant d’infusoires, ou d’un petit tas de cirons invisibles à l’œil nu, dont l’activité empressée et les luttes nous font rire. De même qu’ici dans le plus étroit espace, là, dans le plus court laps de temps, l’activité empressée et sérieuse produit un effet comique.

Notre vie est de nature microscopique. C’est un point indivisible que nous traçons à travers les deux fortes lentilles Temps et Espace, et que nous apercevons en conséquence à la suprême grandeur.

Le temps est un arrangement de notre cerveau, en vue de donner à l’existence absolument nulle des choses et à la nôtre à nous un semblant de réalité, au moyen de la durée.

Quelle folie de regretter et de déplorer d’avoir négligé de goûter, dans le passé, tel bonheur ou telle jouissance ! Qu’en aurait-on maintenant de plus ? La momie desséchée d’un souvenir. Et il en est ainsi de tout ce qui nous tombe en partage. La forme du temps est donc précisément le moyen, et comme calculé en cette vue, de nous convaincre du néant de tous les plaisirs terrestres.

Notre existence et celle de tous les animaux n’est pas une existence solide et durable, au moins temporaire-