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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/202

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blons aux phénomènes produits par la fumée, par la flamme, par un jet d’eau, qui perdent leur éclat ou cessent dès qu’ils ne sont plus alimentés.

On peut dire aussi : la volonté de vivre se manifeste purement en phénomènes qui se résolvent totalement en rien. Cependant ce rien, avec les phénomènes, demeure dans les limites de la volonté de vivre, et est basé sur celle-ci. Cela, avouons-le, est assez obscur.

Si l’on essaie d’embrasser d’un regard le genre humain dans sa totalité, on voit partout une lutte sans trêve, un combat acharné à la fois physique et intellectuel pour la vie et l’existence, où l’on est exposé à des dangers incessants et à des maux de tout genre. Et si l’on considère ensuite à quel prix tout cela est acheté, l’existence et la vie mêmes, on trouve quelques intervalles exempts de douleur, que suit immédiatement l’ennui, et auxquels une nouvelle calamité met vite fin.

Si l’ennui, qu’éprouvent les animaux les plus intelligents eux-mêmes, est le compagnon immédiat de la peine, cela vient de ce que la vie n’a pas de substance réelle, et n’est maintenue en mouvement que par le besoin et l’illusion. Dès que cette dernière cesse, toute la pauvreté et le vide de l’existence apparaissent au jour.

Nul être humain ne s’est encore senti complètement heureux dans le présent. Il faudrait pour cela qu’il eût été ivre.