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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/53

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deviennent ainsi pour nous un mélange bizarre de dupeurs et de professeurs de morale. Ils ne peuvent en effet enseigner, comme tu viens de l’expliquer très justement, la vérité proprement dite, même si elle leur était connue ; ce qui d’ailleurs n’est pas. Donc, en tout cas une vraie philosophie peut exister, mais non une vraie religion : je veux dire vraie dans le sens propre du mot, et non seulement dans le sens figuré ou allégorique que tu as décrit, sens dans lequel chaque religion pourra être vraie, mais à des degrés différents. Il est tout à fait conforme au mélange inextricable de bien et de mal, d’honnêteté et de duplicité, de bonté et de méchanceté, de noblesse et de bassesse qu’offre le monde, que la vérité la plus importante, la plus haute et la plus sainte, ne puisse apparaître qu’unie au mensonge, et que même celui-ci, ayant une action plus énergique sur les hommes, doive lui prêter sa force et l’aider à se révéler. On pourrait même regarder ce fait comme le cachet du monde moral. En attendant, ne renonçons pas à l’espoir que l’humanité arrivera un jour à ce point de maturité et de culture où elle sera capable, d’une part de produire une vraie philosophie, de l’autre de l’accepter. Simplex sigillum veri : la vérité nue doit être si simple et si saisissable, qu’on doit pouvoir la présenter à tous sous sa vraie forme, sans la mélanger de mythes et de fables, — un entassement de mensonges, — c’est-à-dire sans lui donner le masque de la religion.

Démophèle. — Tu n’as pas une idée suffisante de l’inintelligence de la foule.

Philalèthe. — J’exprime simplement un espoir ; mais je ne puis y renoncer. En ce cas la vérité, sous