Philalèthe. — Je te crois. Comme on lit dans Hudibras :
A man convinc’d against his will
Is of the same opinion still[1].
Mais je me console par l’idée que, en matière de controverses comme de cures d’eaux minérales, le véritable effet ne se produit qu’après coup.
Démophèle. — Je te souhaite un effet favorable.
Philalèthe. — Il pourrait peut-être se produire, si seulement je me sentais en état de digérer certain proverbe.
Démophèle. — Quel est-il ?
Philalèthe. — Detrás de la cruz está el Diablo.
Démophèle. — Parle allemand, espèce d’Espagnol !
Philalèthe. — Un instant. « Derrière la croix se tient le diable. »
Démophèle. — Viens, nous ne voulons pas nous séparer avec des sarcasmes. Admettons plutôt que la religion, comme Janus, ou, mieux encore, comme le dieu brahmanique de la mort, Yama, a deux visages, et, à l’instar de celui-ci, l’un très aimable et l’autre très sombre. Chacun de nous n’a regardé que l’un des deux.
Philalèthe. — Tu as raison, mon vieux camarade.
- ↑ Le fameux poème héroï-comique de Samuel Butler, satire sanglante des puritains et des presbytériens qui avaient fait la révolution anglaise de 1648, publié de 1663 à 1678. Schopenhauer a d’ailleurs modifié la citation à l’appui de sa thèse. Le véritable texte porte (Aldine Edition, t. II, 3e partie, 3e chant, vers 547-48) :
He that complies against his will,
Is of his own opinion still.(Celui qui fait une chose contre sa volonté, conserve au fond son opinion.)
(Le trad.)