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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/88

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aux angoisses, aux misères et à la douleur. Ils ne cessent de demander ce qu’ils font ici-bas, ce que signifie la farce tragi-comique qu’ils jouent, et ils supplient le ciel de leur répondre. Le ciel reste muet. Par contre, les prêtres arrivent avec leurs révélations.

Mais un grand enfant seul peut croire sérieusement que des êtres qui n’étaient pas des hommes aient jamais donné à notre race des éclaircissements sur son existence et son but, aussi bien que sur ceux du monde. Il n’y a pas d’autre révélation que les pensées des sages ; et même celles-ci, partageant le sort de tout ce qui est humain, sont soumises à l’erreur, souvent enveloppées dans des allégories et des mythes merveilleux ; d’où elles prennent le nom de religions. Peu importe donc si un homme vit et meurt en s’appuyant sur ses propres idées, ou sur celles d’autrui ; ce n’est jamais, après tout, qu’à des idées humaines qu’il accorde sa confiance. Les hommes ont néanmoins en général la faiblesse de s’en fier plutôt à ceux qui leur présentent des allégations surnaturelles, qu’à leur propre tête. Représentons-nous bien maintenant l’écrasante inégalité intellectuelle entre un homme et un homme : les idées de l’un pourraient souvent servir jusqu’à un certain point de révélation à l’autre.

Mais le secret fondamental et la ruse de tous les prêtres, en tout lieu de la terre et de tout temps, qu’ils soient brahmanes, mahométans, bouddhistes ou chrétiens, je vais les dire. Ils ont très justement reconnu et très bien saisi la grande force et le caractère indestructible du besoin métaphysique de l’homme. Alors ils prétendent posséder le moyen de le satisfaire, en ce que le mot de la grande énigme leur serait parvenu