est surveillée par mille yeux, et la plus petite imprudence
peut la ruiner. On accorde bien à une actrice
une certaine liberté d’allures ; les mille yeux du
public sont une bien lourde cuirasse à sa vertu ; il lui
est plus difficile qu’à toute autre femme de goûter certaines
joies en cachette.
C’est ainsi que ma liaison se dénoua. Aujourd’hui, je pense encore avec plaisir au beau et spirituel prince, qui le premier m’enseigna, non pas l’amour, mais bien la volupté qu’une femme peut goûter aux étreintes d’un homme.
Ai-je besoin de vous dire, puisque vous me connaissez, que cette rupture amenée par la jalousie de Roudolphine me causa les plus vifs regrets ? Il m’était bien difficile de trouver un remplaçant, et je dus reprendre les joies si restreintes de la main. Vous connaissez assez la vie théâtrale pour savoir qu’il ne me manquait pas d’admirateurs. Aucune femme, si elle désire faire des conquêtes, n’est plus excellemment placée que les artistes. Elles peuvent, du haut de la scène, exposer leur beauté et leur talent à mille yeux. Les autres femmes ne peuvent agir que dans le milieu très étroit de leur famille. Une actrice célèbre satisfait en outre la vanité des hommes, heureux d’être un peu illuminés par son auréole. Il n’est donc pas étonnant qu’une artiste célèbre soit entourée des représentants de la plus vieille aristocratie et des matadors de la bourse ; même le dernier des poètes lui apporte humblement les premiers essais de sa muse, les adorateurs de toutes les classes la pour-