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Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/210

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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE


il ne voit plus rien d’obscène, de sale ou de dégoûtant dans l’objet de son plaisir.

Ces quelques réflexions peuvent servir d’excuse à ce que j’ai fait, poussée par les désirs aveugles de mes sens. Je vous en ai parlé à la fin de ma dernière lettre. Cela doit vous suffire.

Ce que mon cœur éprouva plus tard est bien différent et beaucoup plus étrange. Vous aurez, comme psychologue, un sujet d’analyses, car, si ce n’est pas absolument extraordinaire, c’est quand même une anormalité.

J’ai lu, ces derniers temps, plusieurs livres sur l’amour grec, le soi-disant amour platonique ; particulièrement les œuvres de Ulrich, professeur, actuellement à Durzbourg. Il ne parle cependant que de l’amour entre hommes, et ne dit pas un mot de l’amour entre femmes. Que direz-vous quand je vous avouerai que jamais je n’ai aimé un homme aussi violemment que j’ai aimé ma chère Rose, la fille dont je vous ai parlé à la fin de ma dernière lettre ? L’amour physique m’attirait, il est vrai ; mais il y avait encore autre chose au cœur, une nostalgie que je n’ai jamais éprouvée pour aucun homme. C’était un amour si pur que toutes les autres femmes me dégoûtaient, et les hommes encore plus. Je ne pensais qu’à Rose, je rêvais d’elle. J’embrassais mes oreillers, je les caressais en pensant que c’était elle que je tenais. Et je pleurais, j’étais désolée de ne pouvoir la voir.

Je ne savais à qui me confier, à Nina ou à