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Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/28

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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE


il semblait maîtriser sa propre ardeur comme s’il cherchait à ne pas effaroucher la victime qu’il allait sacrifier sur l’autel où, résignée, elle attendait le sacrificateur.

Je tremblais de plus en plus fort, et comme s’il allait m’arriver quelque chose, je crispais violemment tout mon être.

Je savais déjà, par les racontars de mes amies, que ces deux parties exposées pour la première fois à ma vue s’appartenaient. Mais comment était-ce possible ? Je ne le pouvais pas comprendre, parce qu’il me paraissait que leur grandeur était disproportionnée. Après une pause de quelques instants, mon père saisit la main brûlante de ma mère et la porta passionnément à ses lèvres. Ma mère se laissa faire avec une sorte de résignation béate, et s’agitant péniblement elle ouvrit les yeux, sourit langoureusement, puis se pendit avec une telle passion aux lèvres de mon père que je compris aussitôt n’avoir assisté qu’aux préliminaires innocents de ce qui allait se passer. Ils ne parlaient pas. Mais après avoir échangé les plus brûlants baisers, ils se défirent tout à coup de ces voiles que la civilisation et le climat imposent à la frileuse humanité.

Puis ma mère se renversa sur un tas de coussins, comme pour prendre un long repos, et je remarquai qu’elle s’agitait de-ci de-là ; enfin elle trouva la position la plus favorable pour pouvoir se contempler aisément dans le miroir qu’elle avait dressé au pied du lit avant l’arrivée de mon père. Mon père ne le