prédécesseur et n’y trouvait rien d’extraordinaire.
Mais comment faisait-elle pour éviter les suites de
toutes ces relations, car le cocher n’était pas le seul à
jouir d’un tel fumier. Ses exclamations disaient qu’elle
n’avait aucune idée des mesures de sûreté. Ceci me
fît beaucoup réfléchir. Il est vrai, une servante de
ferme n’avait pas beaucoup à perdre de sa réputation,
ou bien donnait-elle le jour à un de ces petits
misérables qui subissent dans le monde l’infamie de
leurs parents ? Bref, je venais d’apprendre quels avantages
donnent l’éducation, les bonnes mœurs et
l’idéal. Car ce n’est pas seulement l’union des sexes,
l’excitation physique des nerfs qui procurent ce frisson
de ravissement supraterrestre. Non, c’est l’émotion
spirituelle, la tension de toutes les forces de l’âme,
l’abandon de la raison qui procurent cette béatitude
magique en soulevant chaque fibre au-dessus de son
activité terrestre. Si j’avais vu ce couple avant le
riche spectacle que mon père et ma mère m’avaient
donné, mes penchants et mes expériences auraient
été tout autres. Je compris clairement que nous
n’étions qu’un jouet de hasard, que nos vertus et nos
vices sont façonnés par les impressions que nous
recevons. Sans Marguerite, je me serais probablement
bientôt mariée, et sans le hasard de l’alcôve, je
serais restée vierge jusqu’au mariage. Cette conviction
que nous dépendons des impressions extérieures
et que nous ne les pouvons pas éviter volontairement
me permit d’être bonne et indulgente envers les
autres. Ce qui semble fautif au premier abord ne l’est
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L’ŒUVRE DES CONTEURS ALLEMANDS