Page:Schuré - Souvenirs sur Richard Wagner, 1900.djvu/16

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toutes les perfections imaginables. Si les premiers cédaient à d’inavouables rancunes, les autres obéissent à ce besoin de tous les disciples d’idéaliser et de diviniser le maître.

Mais je ne sais si ces trop serviles adorateurs feraient le bonheur du héros qu’ils habillent en saint. Un de ses grands mérites fut le mépris de toute pose, la haine de l’hypocrisie et la sincérité jusqu’à l’audace. Qualités et défauts, il n’a rien caché de lui-même et s’est toujours montré tout entier. Je gage que si cet homme extraordinaire était encore en vie, il aimerait mieux être peint au naturel que placé dans une niche comme un Bouddha. Devant ces trop timides servants de sa chapelle, il me semble que je le vois bondir et que je l’entends s’écrier, comme Wotan à propos de Siegmund : « Ne pétrirai-je que des esclaves ? ».

Il y a sans doute, entre le génie prodigieux de cet homme et certains côtés de sa nature, des contrastes qu’il serait intéressant d’étudier. Je ne sais quel peintre a représenté un Lucifer dont les ailes som-