Page:Schwaeblé - L’amour à passions, 1913.djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 124 —


tez-en, sans scrupules ! Ne vous occupez pas de ce qu’on raconte ! »

Elle arrivait à s’enorgueillir du nombre de ses clients de l’après-midi ; ça la flattait d’avoir été choisie ! Comme dans un bal une jeune fille s’enorgueillit du nombre de ses valseurs. C’était si peu de chose… Et puis, assurait-elle, dans la collection il y en avait qui n’étaient pas mal, de gais, d’amusants, de spirituels ; parmi les vieillards, même, il s’en trouvait qui savaient demeurer hommes du monde.

Ce à quoi elle tenait essentiellement : être traitée en femme du monde. Se prostituer ne compte pas : une femme du monde se prostitue tout en demeurant femme du monde. D’ailleurs, elle n’avait pas pris la précaution de changer de nom : elle ne se prostituait pas dans la rue, elle ne le faisait que dans les maisons de rendez-vous !

… Dans le métier de taxi-maîtresse il faut savoir s’arrêter à temps. Elle n’avait pas su s’arrêter. Il fallait qu’elle cotoyât le précipice, qu’elle frôlât le danger, qu’elle risquât à chaque instant — c’était plus fort qu’elle. Elle mentait jusqu’à ce que le mensonge devînt incroyable, elle insultait tant qu’elle pouvait, imprudente : alors, seule-