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Page:Schweitzer - J. S. Bach, le musicien-poète.djvu/351

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IVe PARTIE
LE LANGAGE MUSICAL DE BACH
XXVIII. Le symbolisme de Bach


Bach était un poète et ce poète était, en même temps, un peintre.

Ce n’est point là un paradoxe. Nous avons l’habitude de dénommer un artiste d’après les moyens dont il se sert pour traduire sa vie intérieure : musicien s’il emploie les sons, peintre s’il emploie les couleurs, poète s’il emploie les mots. Mais il faut bien convenir que ces catégories, établies d’après un critérium extérieur, sont fort arbitraires. L’âme de l’artiste est un tout complexe où se mélangent en proportions infiniment variables les dons du poète, du peintre, du musicien. Rien ne nous force à poser en principe que des procédés d’un certain ordre doivent toujours exprimer un rêve intérieur du même ordre, que, par exemple, on ne puisse, à l’aide des sons transcrire qu’un rêve de nature musicale. Il n’y a aucune impossibilité à concevoir un rêve de poète réalisé par les couleurs ou un rêve de musicien réalisé par les mots, et ainsi de suite. Les exemples de ces transpositions abondent.

Schiller était musicien. En concevant ses œuvres, il avait des sensations auditives. Dans une lettre à Körner, du 25. Mai 1792, il s’exprime ainsi : « La musique d’une poésie est bien plus souvent présente à mon âme, quand je m’assieds à ma table pour l’écrire, que l’idée nette du contenu, sur