« Ein feste Burg », par exemple, est tout parsemé de réminiscences du plain chant, et la mélodie que Nicolaus Décius composa pour le Gloria allemand « Allein Gott in der Höh sei Ehr » repose sur un Gloria pascal Grégorien[1]. C’est, précisément, la mélodie que Bach a le plus souvent traitée sous forme de choral pour orgue (Bach VI, No. 3-11).
Ne pouvant improviser du jour au lendemain toutes les mélodies dont elle avait besoin, la Réforme mit à profit les mélodies profanes. Les belles chansons populaires (Lieder) abondaient à cette époque de floraison poétique qu’est, en Allemagne, la fin du xve et le début du xvie siècle. Et c’est avec pleine conscience que la Réforme fit son bien des mélodies courantes, car elle affichait hautement la prétention de faire disparaître le chant profane et de le remplacer par les nouveaux chants spirituels. On se mit donc à l’œuvre, faisant des parodies spirituelles de chants profanes, et ce, sans le moindre ménagement. « Le diable n’a pas besoin de toutes les belles mélodies pour lui tout seul » dit Luther et il compose le choral de Noël « Vom Himmel hoch, da komm ich her » (Bach V, No. 49 et V, p. 92-101) en prenant pour modèle un « Rätsellied » (chant-énigme) alors bien connu « Aus fremden Landen komm ich her ». Grand nombre de poètes, entre autres Hans Sachs (1494-1576), son contemporain et son admirateur, suivirent son exemple et consacrèrent leur talent à cette nouvelle tâche.
L’intention qui guide ces efforts s’exprime toute entière dans le titre d’un recueil publié à Francfort, en 1571 : « Chansons des rues, chansons de cavaliers et chansons montagnardes transformées en chansons chrétiennes et morales, pour faire disparaître avec le temps la mauvaise habitude
- ↑ La mélodie en question débute ainsi :