Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/129

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Le Cercle Spirite est un endroit singulier. On vous débarrasse de votre canne à l’entrée, de peur que vous frappiez à contretemps. Lorsque j’arrivai, la séance était déjà fort avancée. Il y avait autour d’une table en noyer une dizaine d’individus, les uns très chevelus, les autres très chauves, qui avaient la mine excitée. Sur un guéridon, à droite, une soucoupe renversée était marquée des lettres de l’alphabet crayonnées au charbon. Une personne pâle se tenait au milieu, un carnet d’une main, un crayon de l’autre. Je reconnus Stéphane Winnicox, le banquier Colliwobles, Herr Professer Zahnweh. Je fus frappé de l’absence de linge, des redingotes qui semblaient boutonnées sans boutons et des yeux qui fleuraient l’absinthe.

Comme je m’asseyais sur une chaise qui, apparemment, n’était animée d’aucun mouvement, l’un des individus me toucha l’épaule et m’apprit que la personne pâle qui tenait un carnet se nommait M. Médium. Je le remerciai poliment, et je le remis aussitôt. C’était un de mes anciens camarades de collège — non pas l’un des plus forts. Il avait eu l’habitude autrefois de rythmer la classe avec des roulements de pieds. Je le lui rappelai, et il sourit d’un air de supériorité en me disant que ces bruits devaient être attribués aux Esprits Frappeurs.

Un autre membre du Cercle, qui portait une rosette multicolore, mais dont le col de chemise semblait s’être converti par une progression de teinture