Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/131

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Nous attendîmes quelques minutes, lorsque la table se mit peu à peu à craquer et à gémir ; ce qui signifiait, me dit mon camarade dans l’oreille, que M. Gerson était arrivé et qu’il désirait répondre à mes questions.

Mais M. Médium s’avança et demanda premièrement d’une voix forte si M. Gerson était mort depuis longtemps, s’il était disposé à nous dire depuis combien de temps et s’il voudrait bien convenir de frapper cinq coups par année — afin d’abréger le calcul — avec les pieds de derrière de la table, ce qui nous permettrait de connaître le chiffre.

M. Gerson, qui paraît avoir été une personne vigoureuse dans son temps, se mit immédiatement en devoir de répondre, et fit exécuter à la table une série de sauts-de-mouton sur ses pieds de devant. Les pieds de derrière frappaient le plancher d’une manière prodigieuse. Ma tête aurait éclaté s’il m’avait fallu compter les coups ; mais. M. Médium les suivait avec une habitude consommée en hochant la tête d’un air entendu. Au bout d’une heure et demie environ, la table donna des signes évidents de fatigue : on ne l’entendait pas souffler, mais M. Gerson devait avoir les bras rompus et les derniers coups ressemblaient au petit bruit d’une pipe qu’on fait claquer sur l’ongle, M. Médium nous dit qu’il avait enregistré le nombre extraordinaire de 2.255, ce qui donnait quatre cent cinquante et un ans coup pour coup.