Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sur ma table de nuit, je fus un peu surpris de trouver Tom Bobbins au coin du feu. Il me parut très maigri ; il avait gardé son chapeau haut-de-forme et portait une redingote très convenable ; mais les jambes de son pantalon flottaient d’une manière extrêmement disgracieuse. Je ne l’avais pas vu depuis plus d’un an ; de sorte que j’allai lui tendre la main en lui disant : « Comment vas-tu, Tom ? » avec beaucoup d’intérêt. Il allongea sa manche et me donna à serrer quelque chose que je pris d’abord pour un casse-noisettes ; et comme j’allais lui exprimer mon mécontentement de cette stupide farce, il tourna sa figure de mon côté, et je vis que son chapeau était planté sur un crâne dénudé. Je fus d’autant plus étonné de lui trouver une tête de mort que je l’avais positivement reconnu à sa façon de cligner de l’œil gauche. Je me demandais quelle terrible maladie avait pu le défigurer à ce point ; il n’avait plus un cheveu vaillant ; ses orbites étaient diablement creuses, et ce qui lui restait de nez ne valait pas la peine d’en parler. Vraiment, j’éprouvais une sorte d’embarras à l’interroger. Mais il se mit à causer familièrement, et me demanda les derniers cours du Stock-Exchange. Après quoi il exprima sa surprise de n’avoir pas reçu ma carte en réponse à sa lettre de faire-part. Je lui dis que je n’avais pas reçu de lettre — mais il m’assura qu’il m’avait inscrit sur sa liste et qu’il avait passé tout exprès chez l’entrepreneur de Pompes Funèbres.