Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/184

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


L’ÂGE DE LA PIERRE POLIE


La Vendeuse d’ambre


Les glaciers n’avaient pas encore envahi les Alpes ; les montagnes brunes et noires étaient moins coiffées de neiges, les cirques ne resplendissaient pas d’une blancheur si éblouissante. Là où on voit aujourd’hui des moraines désolées, des champs neigeux uniformément glacés, avec çà et là des fentes et des crevasses liquides, il y avait des bruyères fleuries parfois et les landes moins stériles, de la terre encore chaude, des brins d’herbe et des bêtes ailées qui s’y posaient. Il y avait les nappes rondes et tremblotantes des lacs bleus, avec leurs cuvettes taillées dans les hauts plateaux ; tandis qu’on a maintenant le regard inquiétant et morne de ces énormes yeux vitreux de la montagne, où le pied, craignant l’abîme, semble glisser sur la profondeur gelée d’insondables prunelles