Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/189

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des bagues plates, des anneaux pour les oreilles avec une petite broche d’os, des peignes à chanvre, des bouts de sceptre pour les chefs. Elle rejetait les objets dans un gobelet qui sonnait. Le vieux, dont la barbe blanche pendait en tresses jusqu’à la ceinture, souleva et considéra ardemment ce vase singulier, qui devait être magique, puisqu’il avait un son comme les choses animées. Le gobelet de bronze, vendu par un peuple qui savait fondre le métal, brillait à la lumière.

Mais l’ambre étincelait aussi, et le prix en était inestimable. Cette richesse jaune emplissait l’obscurité de la hutte. Le vieux homme gardait ses petits yeux rivés dessus. La femme tournait autour de l’étrangère, et, plus familière maintenant, passait les colliers et les bracelets près de ses cheveux pour comparer les couleurs. Coupant avec une lame de silex les mailles déchirées d’un filet, un des jeunes hommes jetait vers la fille blonde des regards furieux de désir : c’était le cadet. Sur un lit d’herbes sèches qui craquait à ses mouvements, le fils aîné gémissait lamentablement. Sa femme venait d’accoucher ; elle traînait le long des pilotis, ayant noué son enfant sur le dos, une sorte de chalut qui servait à la pêche nocturne, tandis que l’homme, étendu, poussait des cris de malade. Penchant la tête de côté, renversant la figure, il regardait avec la même avidité que son père le panier plein d’ambre, et ses mains tremblaient de convoitise.