Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/267

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ces mêmes calots blancs tressauter derrière les barreaux des fenêtres, et se coller contre les hautes vitres des figures jaunes avec des bandes noires de poils. Les sous-officiers, les brigadiers et les soldats étaient tous égaux sous le calot blanc ; ils avaient les mêmes curiosités et souffraient du même ennui. Quelques gradés gardaient le képi et un V de fil d’argent ou de laine rouge coupait les bords de leur capote. Mais on confondait toutes les individualités dans ce groupe d’hommes mornes, à la barbe longue ; ceux qui avaient la bave aux lèvres, grises dans les coins, ou ceux qui s’affaissaient sur leur ventre, parce qu’on leur avait retiré les côtes fracassées dans une chute de cheval, ou ceux qui attendaient la réforme, le pied broyé par un bat-flanc d’écurie, fumaient silencieusement des pipes, serrés l’un contre l’autre, et n’ouvraient la bouche que pour cracher ou pour murmurer : « La classe… »

L’hôpital était mixte — infirmiers et sœurs. Ceux-ci pansaient à la six-quatre et arrachaient les vésicatoires avec des lambeaux de chair ; celles-là, grosses, les joues luisantes, ou minces comme des perches et la face passée au laminoir, rognaient les portions et faisaient balayer les convalescents. Seule la sœur Angèle égayait les malades. Elle était coquette avec sa cornette blanche et sa robe grise plissée. Tout souriait dans sa petite figure d’amour — ses frisons oubliés sur le front, ses yeux doux et moqueurs, son nez à la Roxelane, ses lèvres retroussées ;