Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/296

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Louisette s’assoupissait. Ses lèvres endormies murmuraient encore : « Petit crocodile méchant, i, i, i. »

L’Assassin, tendant les yeux, ne voyait dans la nappe d’obscurité que des cercles bleuâtres qui fuyaient en s’agrandissant.

Vers le matin, l’Assassin sentit une chose froide dans le cou, sous la nuque. Il tâta des doigts, trouva un tranchant, sauta sur ses pieds et secoua Louisette.

« Qu’est-ce que c’est que ça ? cria-t-il.

— Ça, murmura Louisette, en battant des paupières, la langue pâteuse et avançant la main, eh ben ! c’est le couteau de papa. »

L’Assassin hurla : « La fille du bingue ! »

Le petit gris du jour levant éclairait l’œil-de-bœuf. On voyait au fond, détachés sur le mur, des montants rouges, à rainure de cuivre, une traverse, une planche échancrée. Louisette, réveillée, tenait entre les mains une forte lame d’acier triangulaire ; le tranchant luisait dans ses paumes, réunies en coupe, dont les taches rosées paraissaient sanglantes ; et l’Assassin sentit glisser en lui le froid mortel et futur.