Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/308

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que l’échancrure rencontrait le trou noir du tube, on entendait le bruit d’un déclic.

Ces machines galopantes s’arrêtaient de porte en porte : des formes vagues s’en détachaient et entraient dans les maisons. Elles sortaient, chargées deux à deux de paquets liés et gémissants. Les hommes du brasier enfournaient régulièrement, méthodiquement, dans l’âme d’acier les longs ballots humains ; pour une seconde on voyait, projetée à l’avant, saillissant jusqu’au ressaut des épaules, une face décolorée et convulsée ; puis l’échancrure du disque excentrique tournoyant rejetait une tête dans sa révolution ; la plaque d’acier restait immuablement polie, lançant par la rapidité de son mouvement un cercle de sang qui marquait les murs vacillants de figures géométriques. Un corps s’abattait sur le pavé, entre les hautes roues de la machine ; les liens se brisaient dans la chute, et, les coudes étayés sur le grès dans un mouvement réflexe, le cadavre encore vivant éjaculait un jet rouge.

Puis les chevaux cabrés, le ventre impitoyablement cinglé d’une lanière, entraînaient les tubes d’acier ; il y avait un tressautement métallique, une note profonde de diapason dans la sonorité de leur âme, deux lignes de flammes reflétées à leur pourtour et un brusque arrêt devant une nouvelle porte.

On ne trouvait, sauf les fous qui tuaient isolément, à l’arme blanche, ni haine, ni fureur. Rien qu’une