Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/311

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et des pots de fleurs émiettés, mêlés avec la terre végétale et les fragments des plantes.

Et, assis parmi les carreaux encaustiqués, arrachés sur le ciment gris, un petit garçon en face d’une petite fille lui montrait avec triomphe une fusée de cuivre qui était montée jusque-là. La petite avait une cuillère enfoncée dans la bouche et le regardait d’un air curieux. Le petit serrait ses doigts, dont la peau tendre était encore ridée, sur l’écrou mobile à trous de secondes ; et, faisant manœuvrer le vernier, il se perdait dans la contemplation de l’outil. Ainsi tous deux battant alternativement leurs pieds menus, les sortant de leurs chaussons, profondément occupés, n’étaient point étonnés de l’air qui entrait, ni de la lumière horrible qui les envahissait — sinon que la petite, retirant la cuillère qui gonflait sa joue, dit à mi-voix : « C’est drôle, papa et maman sont partis avec leur chambre — il y a de grosses lampes rouges dans la rue — et l’escalier est tombé. »

Tout ceci, les organisateurs de la Révolution le virent, et le soleil nouveau dont ils attendaient l’aurore ne vint pas. Mais l’idée qu’ils avaient au cerveau fleurit brusquement ; ils eurent une sorte de lueur ; ils comprirent vaguement une vie supérieure à la mort universelle ; le sourire des enfants s’élargit, et fut une révélation ; la pitié descendit en eux. Et, les mains sur les yeux, pour ne pas voir tous les yeux terrifiés des morts, tous les yeux qui n’étaient pas encore